Le 22 novembre, c’est la date de la libération de Strasbourg. C’est la libération de l’Alsace et le retour à la France, mais c’est aussi la sainte Cécile, la patronne de tous les musiciens d’Alsace. Et Dieu sait s’il y en a ! Il n’y a pas de village sans fanfare ou accordéon club, mandolinata, orchestre ou chorale. Que dis-je ? Une chorale par village ? Que nenni ! Il y a la chorale protestante, la chorale catholique, la chorale des joyeux vignerons, celle des pompiers volontaires, même celle des veuves – comme si être veuve développait des qualités vocales particulières.
Et les orchestres ! Ne négligeons pas les orchestres, ceux qui nous accompagnaient ou nous accompagnent encore lors des bals et des thés dansants, pour amorcer des étreintes buissonnières. Combien de quidams émoustillés par Monia , par Le Sud de Nino Ferrer, Unchained Melody pour se rêver dans les bras de Patrick Swayze, sans oublier Procol Harum, A Whiter Shade of Pale … C’est que chez nous, Monsieur, la musique qui nous fait vibrer est multiculturelle. Comme nous. Il y a en nous l’accordéon de Verchuren et de Louis Ledrich, la contrebasse et les guitares sèches des orchestres manouches de la région entre la famille Sherman d’Ingwiller, l’orchestre « Pepito » des frères Weiss de Mertzwiller et celui des Gargowitsch de Barr, sans oublier les formations tchèques des musiciens d’Egerland et d’Oberkrain.
Bashung, Burger et les Jets
Vous me direz : « Ça ne fait pas très rock tout ça ! » Verdeggel ! Jetzt langt’s ! Sachez que le rock a pénétré en France par la frontière nord de l’alsace, celle qui côtoyait les garnisons des Besatzungstruppen américaines postées en Allemagne après la guerre. Les radios US diffusaient si fort que le rock a pénétré dans les oreilles des boutonneux de chez nous à l’époque, pour ressortir par leurs doigts et leurs jambes non encore envahies par l’arthrose. Et en avant les groupes de rock bien vernaculaires, qui n’avaient rien à envier aux Parisiens : les Rhythm Checkers et les Jets surtout. Verdeggel ! Ne pas oublier que le rock français a souvent avancé dans ses sonorités grâce à des Alsaciens comme Bashung, Higelin, Rodolphe Burger et Kat Onoma…
Une pensée aussi pour ceux qui se dévouent dans les écoles de musique pour former des disciples d’Euterpe. Une pensée pour Sœur Alice, du pensionnat Sainte-Philomène à Haguenau, ma dévouée mais persécutée prof de piano. Non je ne suis pas Martha Argerich, mais par la volonté de maman, grâce à la patience infinie de Sœur Alice et le sacrifice total de ses oreilles, j’ai fait trois ans de piano. Pour arriver péniblement à exécuter la Lettre à Élise, avec tant de cruauté que tous les gens présents à la fête de fin d’année du pensionnat Sainte Philomène ont décidé de ne jamais prénommer une fille Élise, pour toutes les générations à venir.
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