30 juin 2021 3 30 /06 /juin /2021 10:31

 

 

 

Vous pouvez compter les mots « Alsace » et « Delta » (le nouveau variant) dans vos quotidiens régionaux comme vous comptiez les voitures bleues lors des trajets vers les vacances sur les routes embouteillées : vous obtiendrez des chiffres époustouflants.
Jeudi encore, « Alsacefanday » (écriture agglutinante du web) ! De l’Alsace en veux-tu, en voilà. De l’Alsace sur les tasses, les pots à baeckeoffe, les t-shirts et jusque dans le cœur des chips « Hopla ». Vive l’Alsace et ses symboles : le bretzel, la cigogne, la choucroute et le kougelhopf. Des symboles bien malmenés avec les orientations nouvelles de l’alimentation et la rareté des grenouilles. Les cigognes ne trouvent plus pitance, la choucroute est mise à l’index pour ses calories, le bretzel et le kougelhopf se doivent d’être sans gluten sous peine de mettre la santé de leurs « tunker » en danger !

Je fais mon coming out !
Mais l’Alsace est grande, l’Alsace est forte ! Les mots pour le dire dans les évocations de tous genres venaient aisément jeudi… en français. Pourtant, on le sait, depuis qu’on ne parle plus latin, on ne parle plus des Romains. Oui, je sais, on peut être chauve tout en étant le meilleur coiffeur. Mamema dit : « Halt din Mull ! Sunsch bekommsch widder de Saukiwel annegelaart » (Ne dis rien, sinon tu auras de nouveau des insultes !). C’est vrai qu’on avait lancé - il fut un temps - des exhortations pour me bannir loin de mon Alsace sur de lointaines terres lorraines.
Permettez que je fasse mon coming out ! J’aime l’Alsace. De tout mon être. De toutes mes molécules. Des molécules de mon cœur, des molécules de mon cerveau, des molécules de ma chair, même des molécules de toute ma cellulite (je me dis que Dieu m’a donné ce supplément de graisse pour me donner un supplément d’amour à offrir). J’aime cette langue qui permet d’exprimer tous ces sentiments avec des mots énoooormes et si adaptés à la mesure de ce que nous éprouvons. J’aime les mots de Mamema qui, dans une explosion de colère, proférait à mon encontre des « rummel nun de die Dunderwetter, was hesch denn du elnder grindiger Hund schun widder aangstellt ? » (intraduisible) ce qui est tout de même plus fort dans une démarche éducative que : « Mince ! Qu’est-ce que tu as fait comme bêtise ? »
Je connais les limites de la langue. Je prie en français ou en allemand. Je ne connais qu’une prière en alsacien : « Ich bin noch klein. Min Herzele isch rein. S’derf niemes drinne wohne ass s’Liebgottele allein » (Je suis encore petite. Mon cœur est pur. Seul le bon Dieu a le droit d’y habiter).
Je connais aussi les difficultés de ma langue. Je ne parle pas le même alsacien que ma petite fille Katell. Elle a 2 ans ¾… Pas plus tard que jeudi, je lui ai dit : « Uff elsassich isch confiture “schaggel” » et elle me rétorque : « Nee ! “schleggel” ». Moi, je parle buurisch et pas elle ! Mamema a dit : « Mach butter un jambon uffs brot noo sin er d’accord » (Mets du beurre et du jambon sur les tartines et vous serez d’accord pour la prononciation).

 

 

Huguette Dreikaus ? 

  non ....ce n'est pas moi....
mais toutes les deux... alsaciennes  ....

 

 

 

 

 

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22 juin 2021 2 22 /06 /juin /2021 10:55

 

 

Je me promène dans les rues. Les affiches électorales fleurissent. Les markers sont de sortie. C’est de bonne guerre d’utiliser les affiches pour exprimer des moqueries. Qui n’a pas dessiné ici une moustache à une candidate et là-bas des dents noires à un candidat ? Quand on était gamins, redessiner les cils de Catherine Deneuve, agrandir les oreilles de Giscard ou mettre des lunettes noires même à l’image de la Vierge, c’était oser entrer en contact « direct » avec des personnages si loin de nous dans la vraie vie.
« Désiré, c’est celui qui a fait un gros nez à Louis XIV sur le tableau Rossignol de l’école. » Et voilà Désiré cité dans la même respiration qu’un des plus puissants rois de France. Quelle notoriété ! Même si elle est confinée dans le cercle restreint de l’école de son village. L’atteinte à l’honneur du souverain donne une aura à celui qui a commis le délit.
Des actes inexplicables
Et puis il y a eu la violence. Les croix gammées sur les affiches électorales. Les cibles de tir dessinées autour de la tête des candidats. La rage de tuer ; rappelez-vous ! Ravaillac est entré dans l’Histoire avec Henri IV et Chapman est entré dans l’Histoire avec John Lennon. Deux assassins inscrits sur la même page et dans le même article que leurs victimes sans avoir rien fait d’autre que de commettre ce meurtre. Des actes inexplicables… comme s’il y avait une injustice à réparer. La violence compensatoire ? Je me souviens du meurtre du petit Eric Peugeot et de la phrase d’un siroteur de bière au coin d’un comptoir : « Dee Litt muen au ebs hann » (ces gens comme ces Peugeot richissimes ? C’est bien qu’il leur arrive aussi des malheurs.) La mort d’un enfant pour réduire les inégalités sociales ?
Dans le film La vie est un long fleuve tranquille , les Groseille crachent sur la speakerine. Dans la Drôme, Damien Tarel donne une gifle au chef de l’État. « Dem Hochnasige hett er’s gezaït » (C’est bien de rabaisser son caquet à ce prétentieux), a dit le siroteur de bière ! Se sentir mieux en utilisant la violence contre les autorités. Plus de discussions. Crachats et coups de poing. Confucius dirait : « C’est le risque des statues de rois et de compositeurs classiques posées en place publique d’être recouvertes de fiente de pigeons et aspergées par l’urine des chiens et des ivrognes. »
L’audace fait acheter des sacs de farine et écrire des propos humiliants sur Facebook. « Celui-là, il va voir ce qu’il va voir. » J’ai eu droit à un : « Tu te prends pour qui, toi ? Tu t’es regardée ? »
Je sais maintenant que je suis peut-être devenue une statue. Mais je sais aussi que quelque part il y a un gros pigeon qui a la diarrhée.

 

Huguette Dreikaus ? 

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mais toutes les deux... alsaciennes  ....

 

 

 

 

 

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6 juin 2021 7 06 /06 /juin /2021 11:44

 

 

 

Dans les drames profonds qui frappent l’univers, on voit peu à peu un côté surnaturel. Quarante jours de pluie, et on reparle du déluge. Les garçons qui naissent reçoivent le prénom de Noé par des parents sûrs d’engendrer là le futur sauveur des ratons laveurs et des vers de terre en couple.
Les feux en Australie, la Covid, la violence des tempêtes ? On reparle des plaies d’Égypte. Mamema dit : « Un mer sin im réjéland gewann » (de plus, nous étions dans le pays de la pénitence). En fait, il n’y a pas beaucoup de péchés à faire quand on est confiné chez soi. Nous sortons d’une bonne année de rédemption par la fabrication de pain, par le muselage de l’adultère et par l’ingestion forcée de feuilletons aussi vieux que la grand-mère de Mathusalem. C’était une forme de paradis originel exempt de pommier, où même le Serpent était maintenu à distance par les règles du « Mach di eweg ! Du bloosch mer de virus ins Gsicht » (Tire-toi ! Tu me souffles le virus dans le visage).
Et voilà que Dieu a remis le pommier dans le paradis. L’Île de la tentation est ressortie des profondeurs de l’Atlantide. Tout est ouvert ! Tout est permis !
Béatrice a préparé ses billets pour aller les jouer au Casino. « Als ebs wie d’Junge nit bekomme » (pas de raison que tout mon argent aille aux gosses).

Tous les péchés sont à nouveau permis
Lili a enfin pu troquer ses pantoufles du Dr  Scholl contre des stilettos et arpente les rues pour se ruer dans les boutiques de mode, afin de redevenir « sortable », loin du pyjama « hello Kitty » du télétravail. C’est la fête aux biftons jetés par la fenêtre !
Berny rêve de parfaire ses tablettes de chocolat dans sa salle préférée, dans une explosion de phéromones loin du rameur à domicile coincé dans son ministudio, juste devant son bar le privant du péché d’alcoolisme. Il rêve de ses débordements de fitness et de mojitos.
Tous les péchés sont à nouveau permis. Alice dit : « Hop ! Fin du couvre-feu ! Mon Lulu va de nouveau traîner dans les bars à lorgner des filles aux jambes aussi hautes que les tabourets du comptoir. Je vais pouvoir remettre mes cornes ». Mesdames, votre Jules renoue avec ses vices. Les bars. Les sorties arrosées. Les nuits sans horaire fixe pour rentrer. Messieurs, votre Louloute vous fera à nouveau couler des litres d’adrénaline à faire chauffer la carte bleue dans des lieux pourtant estampillés « non essentiels » !
Le jardin d’Eden est redevenu un jardin Pierre Perret. Un jardin pour y faire des bêtises. Et tant pis pour les genoux en sang ! Il y a du mercurochrome.

 

 

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25 mai 2021 2 25 /05 /mai /2021 11:31

 

 

 

 

 

Depuis peu, j’ai un regard ascensionnel. Je regarde vers le haut. Pas loin. Je ne suis ni astronome ni assez férue de voyages interplanétaires pour essayer de voir Pesquet tourner autour de la Terre. Pesquet ? Celui qui va à 400 km dans l’espace pour voir la tour Eiffel. Mamema dit : « Lach nit ! (Ne rigole pas !) Nous, on va bien au Mont Sainte-Odile pour voir les Alpes ». Bref, je regarde vers le haut et je regarde l’épée de Damoclès qui se balance au-dessus de mon futur crâne. Diss Schwert bambelt. Confucius dit : « L’intensité du balancement de cette épée est l’échelle de Richter du danger de mort qui nous menace. »

Ceux qui n’iront plus à la Coopé
Le syllogisme dit que Socrate est mortel et que le chat est mortel et cet axiome nous suffit. On est navré pour Socrate, on est défait moralement en ce qui concerne le chat en pensant au sien, mais grosso modo, on se dit : « C’est la vie ». Personne ne songe vraiment que la mort fait partie intégrante de la vie. On lit les avis mortuaires dans le journal avec optimisme, car l’âge de ceux qui -  comme dit Mamema  – n’iront plus à la Coopé est plus proche de celui de Mathusalem que de celui d’Abel tombé sous les coups de son frère.
Je regarde au-dessus de moi et je la vois, cette épée de Damoclès. Et pourquoi ? Parce qu’il y a de plus en plus de voix qui s’élèvent pour me signaler qu’elle est présente et qu’elle « bambel » (pendouille). Quand je dis qu’il y a plusieurs voix qui m’ont avertie du danger imminent qui me guette, je ferais mieux de parler d’une chorale. Le docteur avant l’opération : « Une hémorragie peut être fatale ». La copine délicate : « J’ai vu trois personnes de ton âge dans les annonces mortuaires ». L’assureur : « Vous avez une convention obsèques ? » Le voisin amoureux des chats : « Je prendrai soin de Shah et de Pacha quand vous ne serez plus là ». Le banquier : « Je peux vous donner d’excellents conseils pour gérer votre succession ». J’ai même ouï une voix teintée par mon ADN me dire : « Tu donneras la maison à qui ? Faut y réfléchir ! »
J’ai à nouveau 20 ans
Il m’arrive alors parfois de fermer les yeux, comme si l’inéluctable était là. Même pas peur. Je prie. Je prie. Je prie souvent et beaucoup. J’écoute le psaume 91 sur Youtube. Puis, j’entends « bim » sur mon téléphone… C’est un SMS : « Je t’aime ». Et j’ai à nouveau 20 ans. Je connais ma fin du chemin, mais alors, après avoir lu ce message, je chante sur un air de Brassens : « J’ai encore 20 ans, mon vieux Corneille, et je t’emm… en attendant ! »

 

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16 mai 2021 7 16 /05 /mai /2021 11:43

 

 

 

Rangés les chapeaux baroques et les brodequins à boucle, finis les meurtres dans des maisons bourgeoises où les cadavres gisaient sur des tapis orientaux de luxe devant des bibliothèques somptueuses, reléguées les tasses à thé et les affaires conclues effectuées par contemplation méditative et jeu de déductions ! Miss Marple is out !
Les enquêtrices nouvelles sont arrivées. Capitaine Marleau ou Morgane Alvaro versus Miss Marple, c’est Meghan Markle ou Sarah Ferguson versus la Queen Elizabeth ! Ça coupe le souffle !
Les Sherlock à œstrogènes que le destin a classées dans la catégorie « hors normes » séduisent le grand public. Les audiences qui vont au-delà des six millions de téléspectateurs, soit 10 % des Français, la capitaine Marleau y est entrée de plain-pied. La série a passé au rebut les athlètes de Koh-Lanta qui, dorénavant, avalent des couleuvres et traversent des lacs infestés de crocodiles pour rien si ce n’est pour être humiliés dans les médias en étant placés derrière une capitaine de gendarmerie qui boit la bière à la bouteille, qui salue les légistes à coups de « cotons-tiges », se défend à coups de pied dans les « valseuses » et résout les énigmes sans avoir à rester en équilibre sur un poteau qui file des échardes.
La France confinée, coincée entre ses quatre murs de 19 h à 6 h et dans un rayon de 10 km en dehors de cet horaire a besoin d’une autre liberté : celle du langage, celle des mœurs, celle du corps. Capitaine Marleau combine les trois. Morgane Alvaro aussi.
Morgane Alvaro ! Miss HPI (haut potentiel intellectuel) ! En audience, elle a broyé le couple Deneuve et Depardieu avec un score de dix contre un. Deneuve et Depardieu dans Potiche sont allés à la cave comme le vase moche de tata Juliette…

Colombo peut mettre son cigare dans le cendrier
Il faut se méfier des rousses. Les rousses déchirent ! C’est le syndrome Pippi Langstrumpf (Fifi Brindacier), la rouquine qui soulève des chevaux, et le syndrome Mylène Farmer qui affole tous les mâles. Mamema disait : « Roti sin andersch » (les rousses sont différentes). Une fois de plus, le pouvoir des rouquines est démontré. Morgane, en plus de prendre la tête des sondages de Médiamétrie, affiche un QI de 160. C’est une HPI doublée d’une overdose de perspicacité. Fa-ra-mi-neux ! Et comme elle met le commissaire Karadec dans les choux ! Dans les épisodes de Capitaine Marleau et ceux de HPI, le mâle n’est pas dominant ! Franchement, ça fait un bien fou à nous les femmes, surtout quand on voit tous les jours s’allonger la liste des femmes tuées et violentées par leurs conjoints.
Colombo peut mettre son cigare dans le cendrier et son imper dans la poubelle à textiles. La relève est là. Les intrigues nouvelles sont arrivées. Les biberons sur la table de Morgane remplacent les théières posées sur le guéridon de Miss Marple. La chapka de Marleau remplace l’imper de Colombo et la pipe de Maigret.
Hélas, on ne remplacera que difficilement les textes d’Audiard dits par le commissaire Maigret, en particulier cette phrase qui est un monument de la philosophie du crime : « La culpabilité d’un seul n’exclut pas la responsabilité de tout le monde. »

 

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4 mai 2021 2 04 /05 /mai /2021 10:15

Riedseltz Bas-Rhin : Une page des Dernières Nouvelles d'Alsace dans le nid !

 

 

« Du liebes Kind, komm geh’   mit mir ! / Gar schöne Spiele spiel ich mit dir » (Cher enfant, viens donc avec moi ! / Je jouerai à de très beaux jeux avec toi) Goethe, Erlkönig , le Roi des Aulnes.
C’est une invitation au jeu que je vous lance. Jouer, c’est vivre une vie qui n’existe pas encore. Petit, on joue à la maman, à l’infirmière, à l’astronaute ou au pilote de Formule 1, pour se projeter dans un avenir où on ne sera plus emballé dans des couches ou vissé sur une chaise devant un exercice de maths. Jouer, c’est aussi vivre une vie qui n’existe plus.

Alors, jouez avec moi ! Maintenant.
On va jouer au bistrot. Six mois sans bistrot, c’est risquer d’oublier. Nous risquons d’oublier ces tablées de potes ou d’anonymes où on avalait jus de houblon, de treille ou d’anis, et où on crachait son fiel sur l’incapacité des politiques, la nullité des joueurs de flûte et la malhonnêteté des banquiers, pour le salut de son moral et pour le maintien des gamma-GT.
On risque d’oublier ce coin de bar où on racontait son chagrin d’amour tout en croquant des cacahuètes au rythme du Gondolier de Dalida devant un verre de blanc gommé quand Wirts-Suzanne (la patronne) devenait, pour les mélancoliques du zinc, ce que le Dr   Kroger était pour Monk.
Antoine, Lucien et moi, on joue au bistrot. Lucien a fait un faux comptoir comme au théâtre, et dans un cadre de bouteilles remplies d’eau colorée mais avec de vrais seidel à la pression, nous refaisons cette ambiance, figée par la pandémie comme Pompéi a été figée par l’éruption du Vésuve. Les conversations sont invariables « Diss isch der e Welt » (Dans quel monde vivons-nous !) et là, nous chantons en chœur la litanie mortuaire pour les cerisiers gelés, pour les oiseaux mazoutés, les villages engloutis. Suit le rosaire solidaire pour le deuil d’Elizabeth, les échecs du Racing et la morbidité des gros. Le tout ponctué par « Bring mer noch e seidel » (Encore un demi, stp.) ou « Hesch e bretschdel ? » (As-tu un bretzel ?)

Faire semblant pour ne pas sombrer
Avec Irène et Astrid, je joue à Schuhlaade (magasin de chaussures). Emmaüs a rendu possible l’acquisition de miroirs obliques à poser sur le sol, d’affiches, et le show peut commencer : « Elles sont belles, ces chaussures ! Vous les auriez aussi en bleu ? Bleu pas trop clair, pas trop foncé, pas trop fluo ! Des chaussures bleues, vous voyez ». Comme dans la vraie vie, on fait ch… celle qui joue la vendeuse, pendant deux heures, comme pour de vrai. Cette dernière, à son tour, nous assène des « Un mit dem, (Et avec ça), je vous mets des lacets ? » - « Un mit dem, je vous mets du cirage ? » Ces jeux de rôle sont une thérapie contre le désespoir. Faire semblant pour ne pas sombrer. Comme Josée qui achète toujours un beefsteak pour son mari disparu, « Er isst diss gern » (Il aime bien ça), et qui suspend encore et encore de nouvelles chemises d’homme dans l’armoire de leur chambre.
Venez jouer avec moi ! On peut aussi jouer à « voyager dans un avion ». Y jouer, c’est croire qu’on le vivra bientôt pour de vrai. 
Il n’y a donc qu’une chose à laquelle je ne jouerai jamais : c’est au docteur.

 

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26 avril 2021 1 26 /04 /avril /2021 10:09

 

 

Le nouveau monde d’Huguette est un monde de transformations internes à la maison. Changer une lampe, un plaid, un tableau.
Je me suis attachée (notez bien ce mot qui résume un syndrome) à Banksy qui met de la couleur dans un monde gris. Je suis cette petite fille au ballon rouge. Je l’étais chaque fois que je sortais du magasin « chaussures Georges » quand, dans mes tendres années, maman m’achetait des souliers vernis noirs. Maintenant je ne peux tremper ma madeleine de Proust que dans ma mémoire : les magasins de chaussures sont devenus non essentiels et de toute façon, on ne m’y donne plus de ballon rouge ! Le ballon rouge s’est fixé sur un de mes murs avec un châssis en bois.

Des voyages à travers des images de chaussures et de ballons
J’entreprends donc des voyages à travers des images de chaussures et de ballons. Comme quand j’étais petite. À l’époque de mes Schillerlocke (les anglaises), l’univers des magasins se résumait, pour la petite « trutsch » de Dauendorf, au catalogue de la Redoute et au catalogue de papiers peints de Monsieur Sturtzer. Que de voyages dans le cosmos de la Redoute entre pyjamas et « coin de feu » en laine, entre râpes à fromage et corsets roses.
Les pages de sous-vêtements étaient mon journal du hard. Avec les tranches de papier coloré de Monsieur Sturtzer, je rêvais d’une chambre à atmosphère, à atmosphère florale avec un décor de pivoines d’un rose délavé, ou à atmosphère de légèreté avec un décor de nuages.

Pour les enfants, on est comme Superman
Aujourd’hui mes catalogues sont des pages Internet. Commander le moindre article met de la vie dans ma maison. Cela me permet de revivre un épisode passionnant d’« Alexa et les livreurs ». Alexa et les livreurs sont les pôles fixes de mes relations. Les enfants ? Ne rêvez pas ! Pour les enfants, on est comme Superman : ils aiment bien vous voir surgir en cas de problème pour éliminer les dangers et permettre à leur vie de devenir cool, mais qui se soucie de savoir si Superman a de l’arthrose ou une envie de se promener avec vous dans le parc ? Tout ce qu’on demande à Superman, c’est de résoudre les problèmes et de disparaître à nouveau dans les airs. Alors j’ai « Alexa » qui, de bon matin, me souhaite une bonne journée, me parle des nouvelles du monde, me chante ma chanson préférée et me dit : « Le paquet d’autocollants thermiques va arriver aujourd’hui ». Dans la journée, le livreur va sonner à la porte et poser le paquet à mes pieds. C’est bon d’entendre sonner à sa porte. Ce suspens ! Qui vient maintenant ? Le livreur ou l’infirmière ?
Mamema dit : « Livreur oder infirmière, d’Hauptsach isch, es schallt noch an de Dier » (Livreur ou infirmière, l’essentiel c’est d’entendre sonner à sa porte). Aujourd’hui, j’attends des autocollants thermiques. Alexa vient de me dire: « Bonjour Huguette, votre livreur est en route ». L’infirmière vient de s’annoncer par SMS. Ce sera une journée mouvementée.

 

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7 avril 2021 3 07 /04 /avril /2021 10:40

 

 

 

Tout est relatif ! C’est une loi scientifique établie par Monsieur Albert. Tant il est vrai que dix kilomètres courus pour le plaisir du sport semblent bien plus courts que dix kilomètres parcourus à pied dans une campagne déserte, muni d’un jerrican, à la recherche d’une station-service pour avoir de l’essence en cas de panne sèche.

Mamema dit : « Zehn Kilometer mit enge Schuh ze gehn schiene eim länger ass 40 mit bequeme Schuh » (10 km avec les pieds dans des chaussures trop petites semblent plus longs que 40 km avec les pieds dans des chaussures confortables).

Voilà donc notre périmètre de sortie réduit à 10 km autour de notre domicile. La population est en émoi. D’aucuns crient à l’enfermement. Lili dit : « Personne ne m’empêchera de partir en vacances. Il me faut la liberté ! » Oui, mais Lili passe tous les ans deux mois sur L’île-d’Yeu qui a une superficie de 24,66 km² ! Et pas moyen de s’en échapper sans bateau. Ici, elle a 100 km² à sa disposition et une échappatoire possible pour 135 euros. Tout est relatif !

Une civilisation à espace de vie réduit

Je vais faire ici mon coming out. Je suis un pur produit d’une civilisation à espace de vie réduit. Avant mes 18 ans, je n’ai dépassé les 10 km de rayon autour du domicile qu’une fois par an pour aller voir ma tante à Illfurth et l’année de ma communion pour aller prier à Lourdes. Je suis née dans le lit de mes parents, je suis allée à l’école dans mon village, je suis allée danser dans mon village ou à Schweighouse à huit kilomètres. On faisait nos courses chez le boucher du village, le boulanger du village et à la coopé du village. Mes copains étaient du village. À part Carlo. Il était argentin mais il était venu danser dans le village. Aller à Strasbourg me faisait peur. En effet, quand j’entendais à la coopé « de Sepp isch uff Strossburri komme » (Ils ont mis Joseph à Strasbourg), cela voulait dire que Joseph était à l’article de la mort et qu’il avait été transporté d’urgence ins Burgerspital (à l’hôpital civil).

J’avais 18 ans quand j’ai quitté le périmètre de 10 km pour faire mes études à Strasbourg. Une ville fatale selon mon vécu ! Strasbourg me faisait peur. J’ai arrêté de me nourrir. 25 kilos perdus. Un par kilomètre. Des études à Rhinau et je disparaissais !

Lili dit : « Pendant 18 ans, tu étais confinée à Dauendorf ! Vache ! Dauendorf n’est pas L’île-d’Yeu ! L’Île-d’Yeu, c’est une petite surface aussi, mais quels paysages ! » J’ai dit à Lili : « Tu connais la différence entre Dauendorf et L’île-d’Yeu ? » « Il n’y en a pas. L’Île-d’Yeu est en dehors de mon périmètre de sortie autorisée. Dauendorf aussi. »

Dauendorf est à 16 km de mon domicile. Mon enfance est devenue inaccessible ! Saloperie de virus !

 

 

 

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29 mars 2021 1 29 /03 /mars /2021 11:33

 

 

 

 

 

 

 

Mamema dirait : « Kannsch mache was de witt, isch letz » (tu peux faire ce que tu veux, c’est mauvais pour toi). Ce docte adage se vérifie tous les jours. En ce moment, c’est l’ère du tout et son contraire illustré par cette recommandation en oxymore : « Restez confinés mais dehors ! » Le virus circulerait donc plus dans les particules d’air interne que dans le grand air, sur les surfaces lisses de vos tables et canapés que sur les terrains accidentés de vos lieux de promenade. Alors, sortez ! Mais pas trop loin si vous êtes en zone rouge. Avec un chien. Mangez dehors mais pas attablés et pas en groupes et si possible en gardant le masque ! Au secours ! Il me faut des tutos sur youtube pour comprendre les astuces pour réaliser ces diktats.
Ne vous méprenez pas ! Je suis disciplinée, même si éternuer dans mon coude c’est Koh-Lanta, parce que le mouvement de mon bras qui consiste à plier le coude est beaucoup plus lent que la vitesse d’expulsion d’un éternuement.

Dieu ne sauvera-t-il que les joggeurs ?
J’ai aussi eu longtemps des manquements à l’hygiène imposée pour les mains : je me lavais les mains sans nettoyer les ongles à la brosse. Mais je m’applique. Je suis devenue aussi une gentille exécutrice pour l’impératif absolu de la santé « Il faut bouger ! » Pendant le premier confinement, celui où on passait sa vie entre Netflix et le balcon pour applaudir le soir, je faisais même 6 000 pas en effectuant des allers-retours dans mon couloir de six mètres.
S’il y avait une petite Covid dans l’air, elle a certainement eu le tournis et est partie. Depuis qu’on est dehors, je fais 8 000 pas quotidiens le long du Rhin pour avoir, en plus, vue sur une Allemagne inaccessible, en me disant : « Pfff, les Vosges, c’est aussi beau que la Forêt-Noire, et les shampoings de chez DM, je n’en ai plus besoin puisque cette pandémie m’a appris à faire mes shampoings, mes savons et mes baguettes moi-même. »
Et voilà que je lis dans un magazine « marcher lentement est un facteur de risque accru face à la Covid » ! Gott soll wache ! Jésus, Marie, Joseph ! Dieu ne sauvera-t-il que les joggeurs qui trottinent à petites foulées ? Suis-je dans le lot des Coviduri ? Bon sang, mais c’est bien sûr : ma marche est trop lente. Pendant que moi je marche six kilomètres, d’autres courent un marathon. Je suis donc reléguée parmi ceux qui ont aussi peu de chance devant la hargne de la Covid que devant un jury de Miss. Mamema dit : « Machsch awer ebs fer de schumacher » (au moins tu fais du bien au cordonnier). En effet, comme le dit la chanson : « Un kilomètre à pied, ça use les souliers ! »
Je suis atterrée ! Me voilà avec une comorbidité en plus. Mais… comme on est au printemps et que le temps de vivre en couple devient primordial pour la survie de l’espèce, je n’ai plus qu’une chose à faire : courir… après les hommes !
Il n’y a qu’un danger, eux finiront certainement par me faire… marcher.

 

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14 mars 2021 7 14 /03 /mars /2021 17:19

 

 

Une journée, c’est 24 heures et 86 400 secondes et chacune de ces secondes contient des parcelles actives de notre vie. Chaque seconde, notre cœur bat. Chaque seconde, notre cerveau reçoit des informations qui se répercutent sur nos muscles, nos organes ou sur notre pensée…

Je suis allée à la recherche de mon temps perdu à la manière de Proust, de James Joyce, de Peter Handke ou de Jessica qui tient son journal avec précision : « 7 h du matin, je me réveille et je me lave les dents. Parce que la nuit met de mauvaises odeurs dans la bouche. Pourquoi ? » Jessica a bien compris le fonctionnement de l’humain face au temps : subir, agir, réfléchir. Je vais donc vous narrer ma journée de jeudi à la manière d’Apollinaire. Ma vie vécue. Ma vie subie. Mes réflexions sur la vie.
Mon Moi visible dans le miroir
Il y a dès 5 heures cette rencontre avec mon Moi visible dans le miroir. Il y a un cerne bleu autour de l’œil. Mon esprit se met sur «angoisse». Mon cerveau m’envoie le mot « veine éclatée ». Mes jambes m’emmènent vers le PC. Je clique sur « cerne bleu autour de l’œil » et je lis des choses qui nourrissent mon angoisse. Je sens des flots d’adrénaline m’envahir.
Il y a la radio qui passe une chanson d’Aya Nakamura. Je n’y comprends rien. Je pense à Claude François qui est mort un 11 mars. Il était narcissique et caractériel. Ces gens-là sont comme nous. Mamema dirait : « On ne touche pas à l’électricité ».
Il y a Mamema qui vient occuper mes pensées. Je regarde les chaussettes qu’elle m’a tricotées parce qu’il faut participer activement à la création du monde. Mamema dit : « Dieu ne nous a pas tricoté des chaussettes, mais il nous a donné l’idée de le faire et les moutons pour nous donner la laine. Un ich bin draan nuss  » (je me suis mise à l’ouvrage).

Il faut changer la déco
Il y a dans le journal un article sur le déballage de Meghan et de Harry. Je me rappelle des soirs de Noël tout aussi gratinés où ma cousine Francine a vociféré contre sa sœur Lucie : « Es langt ! Si on dit partout qu’on est contente de vivre seule sans homme, on ne fait pas de gringue au mari de sa sœur ! Laisse Maurice tranquille, espèce de... »
Il y a le facteur qui sonne pour me tendre avec ses gants en latex la reproduction d’une œuvre de Banksy. Elle est lessivable. Elle est donc moins fragile que la Joconde. Je vais l’accrocher à la place du Spindler de tante Marie. Il faut changer la déco. J’entends Plaza dire : « C’est vieux ! C’est moche ! » C’est fou ce qu’on est conditionné.
Il y a ce masque chirurgical que je mets automatiquement dès que je mets les pieds dehors. Est-ce que j’agis ou je subis ? Va falloir que j’épile mes sourcils qui sont la partie visible de mon visage.
19 heures. Il y a mon fils qui vient en voiture. Pour me chercher. Direction le cabinet de mon médecin.
19 h 15. Il y a une vaccinée de plus dans ce bon royaume de France.

 

 

 

Huguette Dreikaus ? 
non ....ce n'est pas moi....

 

 

 

 

 

 

 

 

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