Claquer la porte ? Quoi de plus banal (quand du moins ce n’est pas celle du boulot). La claquer sans y penser est plus risqué. La claquer en ayant laissé la clé dans la serrure, côté intérieur, voilà qui devient périlleux. Lorsque le tout est brillamment tenté un dimanche matin, on découvre que l’aventure commence parfois sur son palier. Inutile d’aller au fond de la brousse pour se sentir seul au monde. Un entresol d’immeuble dans un quartier bourgeois de Strasbourg peut faire l’affaire. Première épreuve, trouver un sauveur. Un serrurier, quoi. Où l’on mesure que la notion du temps peut être relative, y compris celle d’un service dit 7 jours sur 7. Ne pas désespérer trop vite : au cinquième appel ce dimanche-là, bingo. Zorro décroche. Et annonce ses tarifs, à la mesure du moment. Ce sera cher, une invitation au resto aurait été plus avantageuse. Mais on ne choisit pas toujours le menu, ni ses commensaux. L’artisan est donc venu, a foré le barillet, remplacé le mécanisme et sorti l’addition. 800 euros ma p’tite dame, service, déplacement et nouvelle serrure compris. Affirmer que tirer la porte derrière soi n’est jamais gratuit aura rarement pris autant de pertinence. L’artisan étant sympathique, et n’ayant jamais caché que de nos jours on n’avait plus rien pour pas cher, la facture a été réglée sans trop sourciller. Il est vrai que, sans le vouloir, le Superman de la perceuse s’était montré vaguement humoristique. D’abord, en voulant consoler sa cliente : une serrure d’ultra-haute sécurité aurait pu lui résister bien plus longtemps (aïe, la facture). Ensuite, en déballant ses références professionnelles : son truc à lui serait plutôt le perçage de coffres-forts oubliés... À ce tarif-là, de fait, il y aurait de quoi se sentir riche. C’est peut-être ce qu’a pu se dire notre étourdie en refermant, avec un luxe de précautions, sa porte précieusement garnie. Didier Rose Je pense donc je lis les DNA |