30 mars 2023 4 30 /03 /mars /2023 10:39

 

Je vous parle d’un temps… que les moins de 20 ans pourraient bien connaître sous peu ! Un temps que les plus de 70 ans ont bien connu. Un temps ? Lequel ? Celui d’une forme de préhistoire.
En ce temps-là, j’allais à l’école en sabots avec des pantoufles à l’intérieur : les chaussures étaient trop chères. J’étais fière de mes beaux sabots noirs avec une rose rouge ciselée sur le dessus. Je portais des pulls rayés faits avec les pulls détricotés. Mes pulls arboraient un festival de couleurs, mélange étrange et pourtant d’une beauté extraordinaire.
Maman me donnait mon bain dans une bassine en tôle galvanisée et l’eau enrichie de savon de Marseille et de mes desquamations était jetée sur les hortensias. Mes peaux mortes sont ainsi devenues des fleurs bien vivantes et éclatantes de rose ou de bleu. J’aime les hortensias bleus. J’essaie de m’imaginer la personne qui leur a filé son ADN et ses pellicules cutanées.

L’argent du beurre
Papa allait à son travail à vélo et on allait à la ville avec l’autobus. Dans nos assiettes s’étalaient les légumes du jardin et les fruits du verger frais ou en conserve faisaient office de dessert. Mamema fournissait le lait, le beurre de sa baratte, les œufs, la farine… tout ce que donnait leur buurerei. Mon entrée dans la culture, je la dois à ses vaches : elle m’a acheté mon cartable en cuir avec l’argent du beurre qu’elle avait vendu au marché le matin même.
Il n’y avait pas de chauffage à la maison. La seule source de chaleur était la cuisinière où le «  wasserschiff  » inclus nous permettait d’avoir de l’eau chaude en continu pour la toilette et pour la bouillotte. Les besoins d’argent étaient modestes. Il fallait vraiment n’acheter que la moutarde, le vinaigre et l’huile.
Sporadiquement, on se fournissait en vêtements mais les tissus servaient X fois pour faire d’autres vêtements, voire des patins ou des gratte-pieds en fin de course. Le papier Q ? Pas de crise d’approvisionnement ! On se torchait avec du papier journal, mais jamais avec les pages du Odilie Kalender ou de Josefskalender. Toujours le respect de la religion. Personne n’était pris à la gorge par des dettes immobilières. Maman avait hérité de la maison de ses parents et ma grand-mère maternelle habitait avec nous. Grand-mère Marie était notre aide ménagère, notre cuisinière, notre nounou, notre prof d’allemand et notre sponsor.

Une complainte du temps passé
sais, je viens de vous psalmodier une litanie, comme une complainte du temps passé… Ou est-ce la chanson de lendemains proches ? Qui sait ? Ce week-end, l’heure change. Les temps sont en train de changer eux aussi. Tout est différent… Tout augmente. Jusque dans le prix des produits de première nécessité. Six millions de personnes ne peuvent plus s’acheter savon, shampoing et dentifrice. Mamema vous donne la solution : « Achetez du savon en forme de cube, mettez les tout petits bouts dans une boîte hermétique. Quand la boîte est pleine, chauffez au bain-marie. Vous aurez un nouveau savon ». Je suis persuadée que Mamema a encore des molécules de savon qui date du XIXe  siècle ! « Awer dee seif wascht noch ». Et pour le parfum ? Asseyez-vous ou mettez-vous debout à côté d’une personne qui sent bon. Vous repartirez avec cette bonne odeur.
Confucius dit : « C’est le manque qui crée le génie créatif ». Le mathématicien dit : « Le moins crée le plus ». Mamema dit : «  Erscht wann de herd nusswirfsch kannsch de diamante-Ring finde wie drunter gerollt isch  » (on ne peut trouver sa bague en diamant qu’en virant la cuisinière sous laquelle elle était tombée).

Huguette Dreikaus ? 
  non ....ce n'est pas moi....
mais toutes les deux... alsaciennes  ....

 

 

 

 

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commentaires

F
Bonjour ,et oui ,tout a été trop vite ,trop de tout ,ne faire attention à rien ,mais on va être obligé de faire attention ,encore nous ,nous avons bien vécu ,même si on était pas aisé,chez moi nous étions une grande famille ,nous n'avons jamais manqué de rien mais il n'y avait pas tout ce que l'on a aujourd'hui qui poussent à dépenser toujours plus....<br /> bonne journée,bises ,soleil ,mais vent froid..
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U
l'histoire repasse toujours les plats....
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V
Excellent Huguette ! j'ai connu beaucoup de tout ça sauf les sabots dans mon enfance aussi . D'accord aussi pour "c'est le manque qui crée le génie créatif " Je garde aussi les bouts de savon ds une boîte à 2 couvercles ... <br /> La bohème de Charles Aznavour , bien appropriée pour le préhambule ; je l'a chantée avec ma chorale .<br /> Bises et bon WE
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E
Bonjour Simone. Je n'ai pas connu les sabots pour aller à l'école, mais tout le reste : si. Ma mère venait d'une famille de 8 enfants. Son père était cantonnier et elle a toujours eu le souci de l'économie. Bonne journée et bisous
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H
J'ai connue cela au moins partiellement, car rat des villes et rat des champs j'étais, je passais mes vacances scolaires chez mes grand parents, pas loin de 5 mois par an à l'époque, là c'était la vie rude comme décrite. Le reste du temps j'habitais en banlieue tout proche de Paris, on était donc plus civilisé et on avait des chaussures hi hi. Bonne fin de semaine
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F
Un détail me turlupine, faut-il laisser la boîte "hermétique" fermée quand on chauffe le tout au bain-marie ? :o)<br /> A quelques détails près, la préhistoire d'Huguette ressemble à la mienne. Et je suis d'accord pour dire que la créativité liée au manque est bien plus heureuse que le trop plein matérialiste qui étouffe et qui a empoissonné la planète.
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=
Un temps que je n'ai pas connu mais je me souviens, chez Mémé il y avait la cuisinière à charbon, un seul évier, celui de la cuisine , le petit coin dehors avec un coeur sur la porte et le papier journal découpé en petites feuilles , les poules, les clapiers à lapin et rien ne se jeter ... J'en garde des souvenirs heureux.<br /> Je t'embrasse
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C
Oh oui ! les mêmes souvenirs à part pour les sabots car je suis ch'ti et l'on avait des bottines mais pour le reste un copié, le bain dans le bac galvanisé et l'eau que l'on gardait chez nous pour nettoyer le trottoir chaque semaine , les toilettes dehors en bois et ce fameux papier journal, le givre sur les fenêtres l'hiver car la cusinière s'éteignait... je pratique encore l'amalgame des fins de savons ... eh oui ! Simone je me souviens de tout çà et l'on était bien plus heureux que toute cette jeunesse même s'il faut vivre avec son temps ...Merci à Huguette.<br /> Bises pour une bonne fin de journée par chez toi
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R
C'est bien le manque qui crée le génie créatif il n'y a qu'à voir en Afrique comme tout est rafistolé indéfiniment! Bisous bonne fin de semaine
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A
Cela ressemble comme deux gouttes d'eau à ce que j'ai vécu à Paris dans le 13ème arrondissement, celui où l'on meurt le plus jeune dans la capitale. Bravo pour cette citation de Confusius... "c'est le manque qui crée le génie créatif". Bonne journée à toi, Gisèle
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M
bonjour, <br /> Ce fut un temps, pas connu, mais je préfère maintenant, pour mes enfants, études ETC et perso je me sens bien. Je ne râle pas, j'ai les événements comme tout le monde. Je regrette ma jeunesse insouciante...<br /> @mitiés
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M
Le moins crèe le plus : pas.pour tous ! Qualité de l'écriture mais rester accroché au passé avec nostalgie n'aide pas à s'adapter au présent ! Bisous
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