5 août 2023 6 05 /08 /août /2023 12:50

 

 

La mort, ce mal final, attire les grands mots. Surtout quand il est question de prévoir les modalités du trépas, au lieu de les subir. C’est ce qu’envisage un texte de loi explosif, attendu en fin d’été, sur une aide active à mourir en cas d’atteinte incurable.
En voilà un électrochoc dans ce pays qui s’est borné à légiférer sur les soins de la dernière heure. Et avec mille prudences encore, ne jamais frayer avec l’idée d’euthanasie. Ces choses-là sont lourdes à porter moralement, et chères à payer politiquement !
Pas étonnant, dès lors qu’on évoque une assistance au grand départ, si la machine à faire guerroyer croyances et convictions s’affole, brimbale et assourdit. D’aucuns ouvrent déjà avec tapage la chronique d’une rupture anthropologique, pas moins. D’autres fustigent à l’avance une future bouillasse de demi-mesures, pas plus.
C’est que l’époque est confuse. Ou pire : duale. D’un côté monte l’aspiration à régler sa sortie quand le reste est perdu. De l’autre les blouses blanches ne se voient pas en donneurs de Camarde.
Où est la raison ? Autour de l’extrême diversité des situations, entre malades conscients ou pas, soulagés ou pas, dans la déchéance ou pas, s’organise une danse funèbre d’avis ou de préconisations plus ou moins qualifiés, quand il n’y a pas carrément procès.
Il faut trouver les mots pour permettre de tirer le rideau avec dignité, sans être accusé par ailleurs d’une perte d’humanité. Peut-être est-il là le devoir du politique, ainsi en va-t-il de la difficulté d’arbitrer.
Pour qu’il y ait progrès, la loi devra définir précisément les façons de tirer sa révérence, sans aller elle-même à la faute fatale. Établir un droit de couper court aux souffrances ne doit pas passer pour la toquade d’une société mal à l’aise avec l’agonie – ce moment où la Faucheuse, sûre de son fait, joue cruellement avec la montre.
On peut légitimement craindre les périphrases et les détours : trop tôt pour parler de suicide assisté. La mort choisie doit pourtant sortir de sa zone sombre. Il n’a que trop duré ce temps où des malades pataugent dans leur détresse, la mort dans l’âme, le corps en bord d’abîme.

Didier Rose
L’éditorial

 
 
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12 septembre 2022 1 12 /09 /septembre /2022 10:12

 

 

Le choc n’est pas qu’institutionnel au Royaume-Uni. Beaucoup des sujets de sa Majesté Elizabeth II vivent un deuil intérieur. Soixante-dix ans de présence sur l’échiquier mondial : la perte de cette reine laisse un vide voyant.
Elizabeth, pièce maîtresse de la dynastie des Windsor, n’emplissait pas seulement l’espace médiatique de ses tenues pastel et d’un port voulu princier par tous temps. A l’époque du perpétuel mouvement, elle incarnait une stabilité qui pouvait rassurer les citoyens britanniques. Elle était un royal antidote à l’angoisse triviale du changement.
Des tempêtes et des crises, elle en a connu. Sur la scène publique à l’évidence, qui l’a amenée à adouber une flopée de premiers ministres pas toujours à son goût. Dans la sphère intime aussi, où elle a résisté au flot des tourments familiaux. De la bourrasque Lady Di aux orages entre ses petits-fils, des frasques de son entourage aux doutes sur la Couronne à l’ère du numérique, Elizabeth II a voulu garder un rôle d’icône. Elle s’inscrivait pleinement dans la culture britannique. Dans sa diplomatie également. Avec sa disparition, le Commonwealth sera fragilisé.
Née entre deux guerres, Elizabeth II tire sa révérence après une crise sanitaire qui a laissé son pays affaibli et désuni. Près d’un siècle d’apprentissage du monde derrière les fenêtres sculptées des palais, plusieurs décennies d’un contrôle très british d’une image dictée par l’étiquette : peu de souverains peuvent revendiquer avoir traversé ainsi les révolutions technologiques et les bascules politiques, dont un fort fâcheux Brexit. Elle était à la fois calée sur des rituels hérités du passé et consciente d’évolutions sociétales s’invitant jusque dans sa famille.
Cette parfaite solidité en façade, cette résistance à l’adversité en ont fait l’aïeule des Britanniques les plus attachés à leurs coutumes et à leur singularité. Elizabeth était un trait d’union et l’ultime héritière d’une différence. L’avenir sans elle apparaîtra moins noble à nombre de ses sujets.

 

Didier Rose
L’éditorial

 
 
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31 octobre 2021 7 31 /10 /octobre /2021 13:48

 

 

 

Sur le changement d’heure, il faudra se faire une raison : la fin du tango des chronos n’est pas pour tout de suite. De l’eau coulera sous les ponts avant qu’on cesse de jouer des aiguilles deux fois par an.

L’Europe avait décidé d’arrêter cette année le mouvement pendulaire entre heure d’été et heure d’hiver. Le Covid remet les compteurs à zéro, le mécanisme qui devait amener le continent à accorder ses violons une bonne fois pour toutes s’est grippé.

Plébiscité des citoyens, avalisé par Bruxelles, le passage de chaque pays à une heure légale permanente visait à réconcilier les Européens avec leur réveille-matin, pris d’un hoquet de soixante minutes aux intersaisons. Beaucoup s’agacent d’un retour vers le futur au printemps, puis d’un bond vers le passé à l’automne.

Même des experts en rythme biologique ou en facture énergétique soutiennent l’idée d’une heure stable. Las, la pandémie a déréglé un projet qui devait enfin sonner l’entente cordiale dans l’Union européenne. Les confinements sanitaires ont ouvert le temps du doute.

Se situer sur un fuseau peut-être, mais lequel ? Et en version d’été ou d’hiver ? Au nord on voudrait se caler sur les contraintes de l’hiver tandis qu’au sud on tiendrait compte des nécessités de l’été. Entre les deux, des capitales ne savent plus à quel cadran se vouer.

Cette question des choix laissés à chaque État n’est pas anodine : rien qu’en France, on aurait à opter selon les créneaux entre un lever de soleil à 10 h en début d’hiver à Brest ou à 4 h en début d’été à Strasbourg. Et pour un continent étalé sur trois fuseaux horaires ?

Le changement d’heure est en quelque sorte sauvé par le gong. Tout le monde craint la cacophonie que peut entraîner l’ancien vœu de mettre l’Union au diapason. Bruxelles n’apparaît même plus dans ce processus en maître des horloges : une peur s’installe, celle de plonger le marché intérieur dans un flou spatio-temporel.

Sauver la synchronisation économique et politique de l’Europe est devenu du coup un argument en faveur du maintien d’un jet-lag saisonnier. À cette heure, il semble parti pour s’éterniser.

 

 

Didier Rose
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4 octobre 2021 1 04 /10 /octobre /2021 10:53

Bernard Tapie 1943-2021

 

Tapie était hors-catégorie. Comme ces cols mythiques du Tour de France qui impressionnent vus d’en bas, essoufflent si on tente d’en suivre le tracé, offrent lumière et ravissement tout en haut. Sachant que la descente peut aussi s’avérer brutale, voire cruelle.

Tapie, c’était tout cela.
Cent vies et au moins autant de qualificatifs pour en dépeindre les combats et les émotions. Une figure marquante comme rarement, jusque dans la maladie, et un parcours qui a touché tellement de facettes de la société française. Au point que cet homme s’apparente à un phénomène, terme souvent galvaudé mais ici opportun.
Ce n’était ni un saint ni un enfant de chœur. Mais à côté ça, quel miroir pour ses contemporains ! Gagneur à l’époque de l’économie superstar, gouailleur dans un monde du slogan, champion avec son club quand la performance sportive devient le dernier liant social, politicien au moment où la France rêve qu’on lui cause au cœur. Tapie est un panneau indicateur des envies et des travers de son temps.
Son existence a scellé le mariage passionnel de l’opportunisme et de la spontanéité. L’intelligence et l’énergie que lui reconnaissait l’expert Mitterrand lui tenaient lieu de viatiques vers la réussite, mais aussi de ressorts dans ses descentes aux enfers, même du fond d’une prison.
Tapie a inventé tant de traits de la modernité appliquée à l’homme public qu’il faut en convenir, par-delà ses noirs côtés : c’était plus qu’un destin français. Tapie était parvenu à apparaître comme une part du destin des Français. Insubmersible sur plusieurs générations, tenant tête jusqu’au bout aux juges chargés de solder l’ardoise.
Il a pleuré et fait pleurer, ri et fait rire, comme d’autres. Lui avait en plus l’art nouveau du parler direct, des vérités qui claquent. Des tribunes aux tribunaux, des palais aux plateaux, ses adversaires en ont fait les frais. Qu’on le taxe de vulgarité ou de vaillance, il portait en lui la marque profonde de la vie, dans sa capacité d’avancer. La mort d’ailleurs, il avouait ne pas « en faire un drame absolu ». Il se savait grand vainqueur sur ce point : son histoire lui survivra.

 

Didier Rose
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24 mars 2021 3 24 /03 /mars /2021 11:22

 

 

Tel l’aventurier abordant une terre promise, la France découvre la vaccination de masse. Matin, midi et soir, il faudra injecter, injecter, injecter. Comme si, pour le chef de l’État, psalmodier ce mantra gommait l’expérience récente. L’avenir seul compterait encore et non l’embarras des stocks insuffisants, des soignants non livrés, des listes d’attente et de la suspension de vaccins par ailleurs manquants.

Sur le fond, l’incantation présidentielle ressemble aux précédentes. On montre du doigt le sommet de la montagne pour l’effet d’image. Et l’on feint de s’étonner que le chemin ne soit pas pavé de pétales de roses. Le sous-entendu est le même : le cap est primordial, les cahots ne sont pas imputables à ceux qui le fixent.

La façon dont Macron et son fidèle ministre de la Santé pointent soudain un prétendu manque d’implication des centres de vaccination est révélatrice de ce fonctionnement culpabilisateur. On inverse la pression devant les Français. À l’intendance de faire ses preuves dès lors qu’il s’agit de rattraper le temps perdu.

En venir aux vaccinodromes ne serait donc pas un reniement des sentences définitives sur la lourdeur de tels dispositifs. C’est un remède à l’engagement mesuré des professionnels de santé, sollicités dans un premier temps mais découragés par la tournure de la campagne. Ainsi est transférée sur l’infrastructure la responsabilité de lenteurs vaccinales découlant en fait du marché de dupe conclu avec un fabricant.

Macron accélère pour se présenter en sauveur d’une France vaccinée à doses trop comptées. Mais aussi, de manière plus rassurante, parce qu’il sent un vent favorable. Il ne prendrait pas le risque d’appeler la vaccination à tourner jour et nuit s’il n’était assuré de disposer déjà, ou bientôt, de réserves considérablement renforcées.

Tandis que nos voisins britanniques piquent à tour de bras, Macron n’exhorterait pas sans garanties de nouveaux publics à solliciter une injection, notamment les personnes les plus exposées. Car cette fois il ne pourra plus justifier que les portes restent fermées au nez de ceux, tellement nombreux, qu’il aura poussés à se présenter.

 

 

Didier Rose
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9 février 2021 2 09 /02 /février /2021 15:38

 

Avec Olivier Véran, l’acteur majeur de la campagne de vaccination s’est mis en scène. Il est le premier parmi les ministres à recevoir en public la fameuse injection. Pour autant, ce n’est pas un comédien accompli que l’on a vu tendre l’épaule. La scène de la piqûre « impromptue », de passage à l’hôpital de Melun, a failli ébranler par son invraisemblance la portée de ce geste très sérieux.

S’il a paru s’inquiéter de ne priver personne de cette dose au débotté, le neurologue Véran avait à l’esprit une autre crainte. Il ne pouvait gâcher le symbole de la vaccination du représentant de l’État le plus impliqué, après le président bien sûr. Le moment devait être marquant dans l’actualité sanitaire et susceptible de porter des effets.

Ce n’est donc pas la mouche de l’improvisation qui a piqué Véran, c’est bien le métier du médecin qui a parlé. D’abord en adressant le message à ses pairs que l’hésitation vaccinale n’est plus du tout de mise. Ensuite en signifiant au pays que le vaccin AstraZeneca est d’efficacité suffisante pour améliorer significativement l’immunité collective, au moins tant que les variants n’auront pas triomphé : il n’est pas censé être en l’espèce un vaccin au rabais.

D’évidence, le palier est crucial dans la gestion de la crise et dans le positionnement de la France. La solution d’AstraZeneca arrive en quantités assez importantes, sous une forme assez commode, pour lui permettre de faire tourner le compteur des vaccinations dans la grande course mondiale aux taux d’immunisés.

De toute façon, Paris ne peut rater ce pari-là : en dépit des incertitudes liées aux variants, le produit anglo-suédois s’avère indispensable pour gagner rapidement en couverture immunitaire avant un éventuel rebond épidémique. Véran n’aura jamais le César du ministre de la Santé volontaire pour se faire vacciner à la volée. Mais le rôle qu’il a endossé a le mérite d’illustrer, mieux qu’avec des discours culpabilisants, l’intérêt d’utiliser très vite les millions de doses enfin livrables. Dans la crise qui dure, on ne saura lui faire reproche de conseiller à ses concitoyens d’être à leur tour majeurs et vaccinés.

 

 

 

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3 décembre 2020 4 03 /12 /décembre /2020 12:23

 1926-2020

 

Il fut le président d’une seule France. Mais un président lui-même pris entre deux visions de sa fonction. Venu du gaullisme, il en sera le critique peu amène. Issu de la haute bourgeoisie traditionnelle, il sera un réformateur de la société comme le pays n’en avait jamais connu. Valéry Giscard d’Estaing, décédé hier soir, a été le plus jeune président de son temps. Il a aussi été celui qui a survécu le plus longtemps à son départ de l’Élysée, se permettant même d’être l’un des plus anciens ministres du Général encore en vie.

Il a été le produit d’une France élitiste et d’héritage. Et en même temps, avant que ces mots ne soient à la mode, d’une modernité à donner le tournis au pays. Jugé parfois suffisant, il a aussi été populaire. Opposé aux dérives d’une « monarchie républicaine », il se complaisait dans les ors des palais dévolus au pouvoir. Tout à tour cible de ses alliés et allié de ses anciens adversaires, VGE était un homme cherchant le progrès. Contre le choc pétrolier et la pression des orphelins du gaullisme, Giscard d’Estaing a réécrit l’histoire sociale de la France, quand bien même cela lui a été néfaste.

Il a légalisé l’avortement et y a perdu une part du vote catholique. Il a accordé la majorité et le droit de vote à une jeunesse qui favorisera la victoire de son éternel rival de gauche, un Mitterrand à qui il a dénié « le monopole du cœur ». Il a donné de la visibilité à un Chirac qui, froissé dans son orgueil par tant de condescendance centriste, s’en ira vers son propre destin de personnage d’État.

S’invitant à la table des ouvriers et se mettant lui-même en scène auprès des plus puissants, le « Kennedy français » a pris sa vie à pleines mains. Il a regardé plus franchement que d’autres, à son époque, son pays « au fond des yeux », et vu par ailleurs l’Europe dans toute son immensité stratégique. Les deux versants de VGE, l’ancien et le moderne, une fascination des sommets et une attention au quotidien le plus modeste, dans la cordialité ou parfois dans la rancœur, avaient un point de jonction : l’État, qu’il a servi avec style. Dans une Europe qu’il a rêvée.

 

 

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7 novembre 2020 6 07 /11 /novembre /2020 11:42

 

ll court, il court le coronavirus. Et elles galopent, elles galopent les idées pour le confiner un peu plus, un peu mieux. L’une d’elles serait une amende de plusieurs milliers d’euros si une personne testée positive, ou un cas contact, rompait son isolement. Taper fort au portefeuille, en somme, faute de vouloir cloîtrer trop strictement la population.

Pratiquée ailleurs en Europe, cette menace à visée dissuasive a de quoi toucher l’opinion en France. L’appel au bon sens qui prévalait jusqu’alors prendrait un tour nettement plus répressif. Ce n’est pas déconnecté du débat sur l’efficacité réelle d’un reconfinement jugé parfois relâché. Viser les comportements les moins responsables aurait de quoi rassurer tous ceux qui mettent un point d’honneur à respecter les gestes barrières. Le montant évoqué du PV permet en tout cas de manifester une extrême fermeté dans les appels à la discipline.

Reste à en mesurer l’utilité. Outre qu’une telle amende paraît peu applicable à une large frange de Français, elle risque de se retourner contre la stratégie du gouvernement : le diagnostic massif. Plutôt que de s’exposer à une sanction si lourde, nombre de personnes dans le doute préféreront éviter le test. Méconnaître son éventuelle contagiosité n’est pas punissable et n’oblige pas à rester chez soi…

Par ailleurs, promettre un pareil niveau de pénalité ne réglera pas les problèmes économiques et sociaux entraînés par la dissémination inégale du coronavirus. Il est plus présent dans les quartiers dits défavorisés et, au-delà, dans la population en précarité sociale ou astreinte à occuper physiquement un poste de travail. Des patients qui sans être des irresponsables, peuvent avoir à accomplir des actes de première nécessité, voire à répondre aux injonctions d’un employeur.

Frapper si rudement la France la plus handicapée par la pandémie, au lieu de lui donner les moyens de se prémunir du virus, ne passe pas pour une manifestation de solidarité. Tandis que des entreprises s’exonèrent du télétravail, le PV massue menace de mettre sur la paille ceux qui sont déjà parmi les plus exposés. Un bon vecteur pour propager, outre la peur sanitaire, la crainte d’un déclassement définitif.

 

 

Didier Rose
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15 octobre 2020 4 15 /10 /octobre /2020 15:54

 

 

 

Un homme en France, un seul, dispose du bouton nucléaire – pouvoir conçu pour ne jamais servir. Il se confirme que le bureau présidentiel est équipé d’un autre bouton. Cet interrupteur est fait lui pour être actionné : c’est le bouton sanitaire. Il commande la vie sociale de la France en temps de Covid. Comme un surveillant général d’internat, Macron éteint ou rallume la lumière dans le pays selon son ressenti et ce qu’il estime être la nécessité. Il prend sur lui de décider pour tous.
Depuis mars, c’est flagrant. En quelques mots télévisés, la France a été placée à fond de cale. De la même façon, elle est ensuite ressortie à l’air libre. Pas de censure politique qui tienne, aucun avis médical opposable, pas de contradiction scientifique. Il revient à un Français en particulier, pas le moindre certes, de gérer l’incertitude par l’acte martial.
On l’a revu hier, la France est suspendue jusqu’à l’ultime seconde aux consignes de l’Élysée. Le recours à la palabre en des temps si chahutés n’est pas jouable dans un pays où «rassuristes» et «alarmistes» s’étripent. Mais l’usage que la présidence fait de son pouvoir de contrainte, sans autre forme de débat, n’aidera pas à rétablir la confiance dans l’institution. Car tout l’allant de Macron s’appuie sur des données qui ont prouvé leur fragilité dans le temps, tant pour les contaminations que pour les tours de vis. Un rapport remis à l’Élysée pointe d’ailleurs les ratés cumulés par l’État sur les tests, les masques ou le traçage.
Il est bon qu’un décideur résolu appelle à se mobiliser pour écarter la catastrophe. Cet homme dans la lumière apparaît pourtant comme une silhouette isolée, même si elle s’entoure de paravents locaux.
L’acceptabilité des contraintes de couvre-feu, de retenue sociale, de « bulle privée » ne peut plus être similaire : ces mesures signent les limites des tentatives précédentes de vivre avec le virus – personne n’ayant compris que cela impliquait de vivre autrement.
Rien ne dit que le doigt de Macron se trompe en plaçant la France du « relâchement » dans le noir. Rien ne dit non plus que cette stratégie du disjoncteur, puis de la prime à la discipline, sera endossée collectivement comme elle l’a été la première fois, sous l’effet de la sidération.

 

Didier Rose
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24 septembre 2020 4 24 /09 /septembre /2020 15:57

 

 


 

Ma République pour une jupe : un banal vêtement devient soudain, et à nouveau, l’objet de préoccupations républicaines. À Strasbourg, c’est un énième fait divers qui fait accourir la ministre Marlène Schiappa. Ailleurs, c’est une querelle sur les tenues à l’école qui suscite la sortie du patron des enseignants, Jean-Michel Blanquer.
À chaque fois, une affaire de jupe renvoie au sexisme et au regard sur les femmes. La coïncidence d’épisodes aussi distincts ne doit pas empêcher pourtant l’examen proportionné du fléau.
À Strasbourg, à plusieurs reprises ces derniers temps, il s’agit au-delà de tout d’actes barbares et de portée criminelle, avec des conséquences pouvant être dramatiques pour les victimes.
Au sein de l’Éducation nationale, c’est d’une teneur différente bien sûr. Les remarques aux élèves court vêtues relèvent de tentatives dispersées, un peu désespérées, de reconquérir une autorité par un prétendu code vestimentaire. Hors les cas d’outrages définis par la loi, l’encadrement scolaire a plus à faire, et de façon plus urgente, que de s’aligner sur les nostalgiques des uniformes.
D’ailleurs, nombre de proviseurs ont renoncé à être prescripteurs de mode. Depuis les vagues hippies et babas, fixer une norme s’est souvent avéré peine perdue et abusivement genré.
Quand un ministre vante des « tenues républicaines », il se parle donc à lui-même. Au risque de ne désigner que les filles, vieux réflexe, il plaide un consensus vestimentaire pour conforter sa figure paternaliste de penseur de l’école. Autrement dit de la société.
Les atteintes sexistes en tous genres dans l’espace public appartiennent à un registre autrement alarmant : ce n’est pas la conception que l’on se fait de la longueur des jupes qui jette le trouble. C’est la violence avec laquelle on dénie à l’autre la liberté de ses choix.
Ces agressions réclament moins l’invocation des principes de la République que l’intervention sans équivoque des juges. Il serait ahurissant de faire comme s’il pouvait y avoir là, au nom d’un cadre démocratique, le moindre débat.

 

Didier Rose
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