Strasbourg en fut, le moment venu, bouleversée. Lorsque Louis XIV parcourait ses provinces, ce n'était souvent, par son bon plaisir autant que pour l'édification des peuples, qu'en grand équipage. Sur le chemin de la guerre, ou au contraire de la paix, les étapes de sa majesté brillaient par leur magnificence - et la bonne ville de Strasbourg, gagnée à la cause royale avec toute l'Alsace, donna aussi dans ce commerce là. Des semaines avant la venue du très altier souverain, on ravaudait les pavages, on redorait les palais délustrés. Il fallait plaire, et plus que tout ne pas déplaire, les privilèges et mannes royales relevant en retour tant du faste déployé que du contentement manifesté par l'hôte le plus illustre qui soit. Nouveaux rois Autour du Roi-Soleil gravitait le reste du monde, et il était bon que cela se voit. Plus rien ne valait hors le contentement de la Cour. La chronique rapporte même que le seul passage d'un courtisan en vue, ou mieux d'une favorite, donnait matière à libations et festivités débordant de l'ordinaire. Le temps passe. Aujourd'hui, plus de monarque absolu dans nos contrées. L'État n'est plus confisqué, mais partagé ; les nations sont conduites par des représentants désignés et des organismes constitués. Prenez l'Otan, par exemple. Une cause commune qui ne compte que des serviteurs. Et si tout ce beau monde se réunit à Strasbourg début avril, ce ne pas en guise de triomphe mais pour promesse d'entente cordiale. L'Otan passe. Et cela amène à fermer des écoles, annuler des spectacles, boucler des quartiers, consigner des riverains. Sans doute pour mieux se convaincre que la grandeur de la date dépasse de loin les futilités du quotidien. La ville peut bien s'offrir à l'événement tant, comme à d'autres époques, on lui promet en retour. Curieux écho au passé que la venue des grands de nos temps modernes - qui pousse le mimétisme jusqu'au ravalement d'un palais (baptisé des congrès, celui-là). Rien n'est de trop, sans doute, pour ces nobles d'aujourd'hui prêts à faire de Strasbourg, durant deux jours, leur royaume. Didier Rose Je pense donc je lis les DNA |