Un héritage, c'est comme un virement du passé au présent. De la nostalgie transmise par acte notarié. Des souvenirs authentifiés par chèque. En théorie. En pratique, un héritage c'est aussi, parfois, des déchirements familiaux, des haines recuites, des effondrements rétrospectifs. Voire, plus rarement, d'immenses étonnements, par delà la douleur de la perte. Et voilà comment un Strasbourgeois de notre connaissance s'est retrouvé héritier d'une bien curieuse affaire. Où il est question d'argent, autant être clair. Des mois après avoir perdu sa parente, le légataire reçoit un étrange courrier avec accusé de réception émanant d'un département d'outre-Vosges. Du sérieux. La missive émane d'un conseil général, et même du pôle Routes, transports et communication - direction des Routes - division des Investissements routiers - service des Affaires foncières. Dûment signée par le chef dudit service. Avec tampon sur l'enveloppe. Surprise en héritage A l'intérieur, pas de fioritures. Du net, du direct. Le texte fait état d'un jugement d'expropriation. Sans doute d'un terrain ayant appartenu à la disparue. Pour en venir, en deux lignes, à l'essentiel : le destinataire, héritier de l'expropriée, est prié d'accepter un chèque d'indemnités. Au delà de la bouffée sentimentale, à la ré-évocation d'une personne aimée, sacrée surprise. D'autant que, dans sa mansuétude, le service en question a joint le chèque annoncé. Quelle fortune! En l'occurrence, prière de garder son sérieux : 0,61 euro. On imagine tout le tremblement juridiquo-administratif nécessaire (une expropriation), pour un montant huit fois inférieur au coût de la lettre recommandée. Sans compter les frais annexes, de secrétariat et bancaires, pour même pas le prix d'une baguette. Le plus ubuesque n'est pas là : le terrain étant partagé en indivision, ce courrier a dû être établi à plusieurs dizaines d'exemplaires. Reste plus qu'à espérer, pour la bonne marche de l'administration territoriale et d'un chantier sans doute titanesque, que personne n'ait songé à refuser si inoubliable héritage. Didier Rose Je pense donc je lis les DNA |